Ursule passa une soirée calamiteuse, les clients l’agaçaient, son commis semblait prendre plaisir à tout faire de travers et Inès tentait de maintenir un service de qualité seule en salle la plupart du temps. Le restaurant fermé, Ursule sortit, espérant retrouver son inconnu.
Il arriva délicatement et la surprit en lui passant un bandeau noir sur les yeux. Il l’entraîna vers le banc, et s’assit, elle s’agenouilla à ses côtés, se disant que d’un geste elle pourrait ôter l’étoffe et enfin le voir, mais elle n’en fit rien. Elle aimait cette relation ambigüe, ils restèrent de longues minutes silencieux comme si ce changement d’habitudes les décontenançaient. Leur silence valait pourtant toutes les paroles imaginables.
Assis côte à côte, ils écoutèrent la nuit tranquillement, laissant le temps apaiser leurs pensées. La lune promenait son disque crémeux dans le ciel. Ursule l'imaginait, fascinée par l'ambiance dont il emplissait l'espace autour d'elle à chacun de ses mots.
Il s'insinuait habillement dans son esprit, l'amenant tranquillement à se dévoiler, à lui confier ses plus intimes secrets. Alors qu'elle résistait sur certains détails, il n'avait jamais vraiment besoin de contourner son appréhension, il lui suffisait d'insister sans détour et elle se laissait faire. Elle se sentait comme une petite marionnette que l'on aurait fait danser sur une table. Entre ses mains.
Ursule approcha sa main de son visage et à tâtons, elle en découvrit la forme fine et racée. Elle releva la mèche de cheveux qui lui couvrait le regard, elle parvenait presque à le deviner.
Elle s’approcha et sans qu’il l’esquive, elle déposa un baiser sur ses lèvres. Son instinct prenait le pas sur sa raison.
- Ne fais pas ça Ursule, ne le fais pas…
- Embrasse-moi.
- C’est une erreur.
- Ne pense plus, je t’en prie…
- Tu vas tout gâcher.
- Un baiser ne peut rien gâcher…
- Tu es insupportable..
- Je sais… embrasse-moi…
Elle fit tomber les bretelles de sa robe et lui prit la main. Il fronça les sourcils un court instant..puis il céda.
Après son départ, elle resta longtemps assise sur ce banc, à contempler les cieux, heureuse mais appréhendant l’avenir de leur relation. Elle passa la nuit à tripoter nerveusement le lacet autour de son cou, elle l’aimait éperdument, mais savait que lui ne l’aimait pas…Il prenait simplement plaisir à la voir se débattre avec ses émotions. Elle pensa à lui toute la nuit.
Trax Oberdorn