Hubert et Ferdinand attendaient les bras croisés dans le hall.
- Votre idée commence fort bien Milos… dit-il d’un air narquois.
- Ce n’était pas prévisible, ils se connaissent apparemment, j’essaierai d’en savoir plus.
Lucas traversa la pièce, Ursule dans ses bras, toujours inconsciente et adressa un regard interrogatif à Hubert.
- J’ai une chambre au premier étage, tu n’as qu’à l’y installer.
Ils montèrent l’escalier de bois craquelant, et derrière une porte cloutée, Lucas découvrit le repaire nocturne d’Hubert. Solitaire et comploteur depuis toujours, il aimait se retrouver ici loin du monde et de ses obligations. La pièce et ses meubles étaient sobres, probablement récupérés dans les autres pièces de l’abbaye, mais le linge de lit, les tapis et rideaux luxueux donnaient une touche paysanne chic très agréable. Hubert alluma le feu dans la cheminée pendant que Lucas otait les habits trempés d’Ursule. Il la couvrit du drap. Ferdinand tendit la bouteille de genièvre à Hubert.
- Essayez donc de la réveiller avec cela, c’est assez fort.
Lucas, pourrai-je te parler?
Ils sortirent. Hubert n’aimait guère ce genre de corvées: prendre soin de quelqu’un d’autre que lui était une perte de temps. Il se servit un verre de genièvre, le but d’une traite et vint s’asseoir sur le bord du lit. Il donna d’abord quelques tapes sur la joue d’Ursule, puis lui releva la tête et sans grande délicatesse, lui envoya une grande rasade d’alcool dans la gorge. Le résultat fut immédiat: manquant de s’étouffer, Ursule ouvrit les yeux, toussant et inspirant comme une noyée. Il rit de bon cœur, satisfait de son effet et rassuré aussi. Il but à nouveau une gorgée au goulot de la bouteille et lui en redonna. L’alcool et la chaleur du feu lui redonnèrent des couleurs.
- Qui est cet homme? Demanda-t-elle
- Lucas? Un idéaliste comme le sont les artistes, il écrit des pamphlets dans le journal de Milos. Je ne l’aime guère mais je le respecte, c’est un calculateur brillant.
Ce flot d’informations ne plut guère à Ursule, elle regrettait d’avoir posé la question, elle se retourna et enfouit son visage dans l’oreiller. Hubert caressa des yeux son dos découvert. Encouragé par l’alcool, il posa la main et promena ses doigts le long de sa colonne vertébrale, s’arrêtant à hauteur de ses reins. Il s’attendait à ce qu’elle proteste, mais elle n’en fit rien, réagissant juste par un frisson.
A ce moment, Lucas pénétra dans la pièce. Hubert se leva, les deux hommes face à face se défièrent du regard. Aucun des deux n’aurait baissé les yeux si un crépitement du feu n’avait pas brisé le silence. Ils avaient tous deux l’âge des rivalités de pouvoir si caractéristiques des hommes fiers et orgueilleux, l’âge des combats de coqs. Hubert sortit, laissant à Lucas l’occasion de discuter avec Ursule.
- Encore vexée? Lui demanda-t-il en s’asseyant à côté d’elle.
Elle ne répondit pas.
- Tu as l’occasion de me voir si tu le désires, mais je sais que tu ne le feras pas. Ajouta-t-il
- En effet, je ne suis rien pour toi, juste l’objet d’une machination.
- Détrompe-toi, ne te fie pas aux apparences, je ne joue pas. Aie confiance, Ursule, aie confiance…
Elle se redressa et se mit à genoux sur le lit, dos à lui. Il posa ses mains sur ses hanches, posant sa bouche sur sa nuque et l’attirant à lui. Il déboutonna sa chemise, enleva la ceinture de son pantalon. Ils firent l’amour ainsi, tendrement, sans se regarder, Ursule refusant obstinément de se retourner.
Pendant ce temps à l’auberge, Amélie et O dinaient ensembles, s’interrogeant sur les raisons de l’absence de leur amie, Inès n’ayant pas l’air d’en savoir davantage. C’est tard dans la nuit que Ferdinand la ramena chez elle, épuisée et se plaignant du mal de crâne que lui avait laissé sa chute. Trop perturbée par les évènements, elle réserva sa décision quant au complot pour plus tard.
Trax Oberdorn