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Titre du blog : La Part des Anges by Trax Oberdorn
Auteur : La-part-des-anges
Date de création : 05-10-2008
 
posté le 11-12-2008 à 16:35:33

Chapitre 10 - Prière païenne

         

 

 

  

 

         Amélie se réveilla ce jour-là dans une forme éblouissante. Une journée lumineuse s’annonçait, elle avait envie de s’amuser. Elle se fit apporter une robe à la dernière mode par sa femme de chambre et se pomponna en chantant. Elle se dit que c’était un réel bonheur d’être de bonne humeur et qu’elle devrait essayer plus souvent.

 

           Elle déjeuna rapidement et fit quérir le Père O pour sortir. Elle embrassa son époux déjà occupé à ses affaires politiques.

- Mon cher Gérald, je sors pour l’après-midi, j’irai visiter quelques boutiques avec Madame du Paon si elle veut m’accompagner.

- Faites, faites, très chère.

 

         Par délicatesse, elle lui proposa de les accompagner, mais comme d’habitude, il avait mille affaires en retard à régler. C’était un passionné, un passionné de pouvoir. Cela faisait des années que , pour asseoir son autorité, il dissimulait sa sensibilité derrière un visage impassible, digne et déterminé. Il leva les yeux sur son épouse, remarquant tout de même qu’elle était admirablement pomponnée, comme un cavalier serait fier de sa jument bien brossée.

- Le Père O vous accompagnera, ses prières peuvent attendre elles.

 

       Elle soupira, prit son petit sac et embarqua avec O dans la calèche qui les amena à l’auberge. Ursule déclara que c’était une superbe idée qui lui changerait bien l’esprit. Elle mourrait d’envie de raconter ses soucis à Amélie, mais elle n’osa pas, qui pourrait la comprendre de toutes façons? Et la soutenir encore moins…

 

        Elles se rendirent dans le centre du bourg et visitèrent plusieurs boutiques dépensant à la mesure de leur bonne humeur. Elles taquinèrent inlassablement le Père O sur sa capacité à porter les paquets de leurs achats. C’était un merveilleux compagnon toujours souriant et complaisant à leurs facéties.

- Nous pourrions aller déguster un café dans ce salon, n’est-ce-pas ? proposa Amélie

- Allons, sortons un peu des habitudes, n’es-tu jamais entrée dans un troquet, l’ambiance y est moins calculée, dit en riant Ursule.

- Ce sont des endroits pour les hommes!

- Et alors? Nous en accompagnons un, c’est l’occasion, n’est-ce-pas?

- Soit je te suis, vous venez Père O, n’est-ce-pas?

 

           O fronça les sourcils, manifestant sa désapprobation, mais suivit tout de même.

Ils entrèrent dans la gargotte. Des hommes ventrus étaient accrochés au zinc, l’œil perdu dans leur verre. Amélie se rapprocha d’Ursule lorsque l’un d’entre eux lui jeta un regard surpris et libidineux.

- Mon Dieu, où m’as-tu fait entrer??

 

           Ils s’installèrent à une table, la moins crasseuse, et tout en regardant des ouvriers concentrés sur leur jeu de cartes, Ursule appela le patron:

- Trois Méroises*, Patron!

- Qu’est-ce? Demanda Amélie.

- Une merveilleuse bière, tu vas aimer!

 

           Le patron amena trois verres de blonde mousseuse qu’ils dégustèrent rapidement vu la chaleur et la soif.

- C’est très rafraichissant, amenez-nous en trois autres Patron! Appela Amélie, se prenant au jeu.

- Méfiez-vous très chère, l’alcool est traître… dit O.

- Allons, Père O, je ne suis plus une oie blanche, ne soyez-pas rabat-joie!

 

           Après avoir bu le deuxième verre, Amélie sentit son esprit s’emmêler et comprit la mise en garde de son ami.

- Quittons donc cet endroit Ursule, je ne me sens pas très bien…

 

         Dans la rue, Amélie refreinait son euphorie. Ursule riait de la voir ainsi et O veillait à ce qu’elle ne s’égare pas davantage. Passant devant la cathédrale, et honteuse de s’être laissée aller, Amélie voulut entrer, se disant qu’une prière l’aiderait à expier son péché.

- Ce n’est peut-être pas la meilleure des idées, objecta O, inquiet.

 

       Ursule se souvenait y être entrée pendant un moment de déprime, et bien qu’elle ne soit guère croyante, elle y avait trouvé l’ambiance pesante.

Ils entrèrent, Amélie et O trempant leurs doigts dans le grand bénitier nacré. L’édifice était grandiose, tout de marbre noir et blanc. Ursule admirait le chemin de croix qui se déroulait le long des travées jusqu’à l’autel.

 

          Le père O redoutait d’y croiser l’évêque Mirand, ami et premier conseiller du mari d’Amélie qui serait bien le dernier à apprécier l’état dans lequel celle-ci se présentait devant Dieu. Il s’attarda en prières devant l’autel.

 

        Passant toutes deux devant le confessionnal, les deux femmes furent prises d’un rire nerveux, de ceux qui s’invitent sans crier gare dans les endroits les plus inadéquats.

- Nous aurions bien des choses à confesser aujourd’hui Ursule, dit-elle en écartant le rideau pour regarder l’intérieur du meuble.

Ursule profita de ce geste pour l’y pousser et se serrer auprès d’elle dans le petit habitacle dont elle tira le rideau.

- Que fais-tu Ursule, bredouilla Amélie confuse.

- Je veux juste te remercier pour cette belle après-midi…

- Quelle étrange façon de me remercier, sourit-elle.

 

            Ursule posa un doigt sur la bouche d’Amélie, lui suggérant de se taire. Elle se serra contre elle, leurs poitrines se touchant. Amélie encore grisée ne savait plus comment réagir et le sut encore moins quand Ursule vint poser ses lèvres sur les siennes. Elles s’embrassèrent ainsi pendant de longues minutes, ne prenant plus garde à tout ce qui pouvait se passer autour d’elles. Amélie n’était pas accoutumée à ce genre de libertinages mais elle se laissa aller, sans réfléchir, accompagnant sa main .

 

              Soudain, on tira le rideau. Le père O arriva en courant mais trop tard: l’évêque Mirand venait de surprendre les deux femmes et les condamnait du regard. Amélie surprise et humiliée devant cet homme qu’elle connaissait si bien, repoussa brusquement Ursule et s’écria:

- Cette femme m’a agressée, votre Excellence!!

- Agressée? C’est bien ce qui me semblait! Que les gardes se saisissent d’elle! Quel est votre nom Madame?

Elle ne répondit pas.

- La connaissez-vous? Dit-il en interrogeant O.

Il ne répondit pas. Les gardes de la cathédrale lièrent les mains de la pauvre Ursule et l’entrainèrent au dehors.

- La prison vous fera passer vos digressions pécheresses!! Madame de Hernebourd, rentrez chez vous, votre époux doit s’inquiéter. Quant à vous, père O, je vous conseille de faire pénitence de votre profonde inefficacité que ce soit pour Madame ou pour notre Divin Seigneur.

 O fut cruellement touché par cette remarque, il détestait ce personnage froid et cruel.

 

          Amélie paniquait intérieurement de sa traîtrise et de son manque de courage. Elle agrippa O par la manche.

- Il faut que vous la sortiez de là, O!

- Je ferai ce qu’il me sera possible de faire, chère Amélie. La prochaine fois, vous serez mieux inspirée en suivant mes conseils.

 Amélie pleurait.

 

 

Trax Oberdorn