La Part des Anges by Trax Oberdorn

La grande histoire du Paon

le 11-12-2008 16:35

Chapitre 10 - Prière païenne

         

 

 

  

 

         Amélie se réveilla ce jour-là dans une forme éblouissante. Une journée lumineuse s’annonçait, elle avait envie de s’amuser. Elle se fit apporter une robe à la dernière mode par sa femme de chambre et se pomponna en chantant. Elle se dit que c’était un réel bonheur d’être de bonne humeur et qu’elle devrait essayer plus souvent.

 

           Elle déjeuna rapidement et fit quérir le Père O pour sortir. Elle embrassa son époux déjà occupé à ses affaires politiques.

- Mon cher Gérald, je sors pour l’après-midi, j’irai visiter quelques boutiques avec Madame du Paon si elle veut m’accompagner.

- Faites, faites, très chère.

 

         Par délicatesse, elle lui proposa de les accompagner, mais comme d’habitude, il avait mille affaires en retard à régler. C’était un passionné, un passionné de pouvoir. Cela faisait des années que , pour asseoir son autorité, il dissimulait sa sensibilité derrière un visage impassible, digne et déterminé. Il leva les yeux sur son épouse, remarquant tout de même qu’elle était admirablement pomponnée, comme un cavalier serait fier de sa jument bien brossée.

- Le Père O vous accompagnera, ses prières peuvent attendre elles.

 

       Elle soupira, prit son petit sac et embarqua avec O dans la calèche qui les amena à l’auberge. Ursule déclara que c’était une superbe idée qui lui changerait bien l’esprit. Elle mourrait d’envie de raconter ses soucis à Amélie, mais elle n’osa pas, qui pourrait la comprendre de toutes façons? Et la soutenir encore moins…

 

        Elles se rendirent dans le centre du bourg et visitèrent plusieurs boutiques dépensant à la mesure de leur bonne humeur. Elles taquinèrent inlassablement le Père O sur sa capacité à porter les paquets de leurs achats. C’était un merveilleux compagnon toujours souriant et complaisant à leurs facéties.

- Nous pourrions aller déguster un café dans ce salon, n’est-ce-pas ? proposa Amélie

- Allons, sortons un peu des habitudes, n’es-tu jamais entrée dans un troquet, l’ambiance y est moins calculée, dit en riant Ursule.

- Ce sont des endroits pour les hommes!

- Et alors? Nous en accompagnons un, c’est l’occasion, n’est-ce-pas?

- Soit je te suis, vous venez Père O, n’est-ce-pas?

 

           O fronça les sourcils, manifestant sa désapprobation, mais suivit tout de même.

Ils entrèrent dans la gargotte. Des hommes ventrus étaient accrochés au zinc, l’œil perdu dans leur verre. Amélie se rapprocha d’Ursule lorsque l’un d’entre eux lui jeta un regard surpris et libidineux.

- Mon Dieu, où m’as-tu fait entrer??

 

           Ils s’installèrent à une table, la moins crasseuse, et tout en regardant des ouvriers concentrés sur leur jeu de cartes, Ursule appela le patron:

- Trois Méroises*, Patron!

- Qu’est-ce? Demanda Amélie.

- Une merveilleuse bière, tu vas aimer!

 

           Le patron amena trois verres de blonde mousseuse qu’ils dégustèrent rapidement vu la chaleur et la soif.

- C’est très rafraichissant, amenez-nous en trois autres Patron! Appela Amélie, se prenant au jeu.

- Méfiez-vous très chère, l’alcool est traître… dit O.

- Allons, Père O, je ne suis plus une oie blanche, ne soyez-pas rabat-joie!

 

           Après avoir bu le deuxième verre, Amélie sentit son esprit s’emmêler et comprit la mise en garde de son ami.

- Quittons donc cet endroit Ursule, je ne me sens pas très bien…

 

         Dans la rue, Amélie refreinait son euphorie. Ursule riait de la voir ainsi et O veillait à ce qu’elle ne s’égare pas davantage. Passant devant la cathédrale, et honteuse de s’être laissée aller, Amélie voulut entrer, se disant qu’une prière l’aiderait à expier son péché.

- Ce n’est peut-être pas la meilleure des idées, objecta O, inquiet.

 

       Ursule se souvenait y être entrée pendant un moment de déprime, et bien qu’elle ne soit guère croyante, elle y avait trouvé l’ambiance pesante.

Ils entrèrent, Amélie et O trempant leurs doigts dans le grand bénitier nacré. L’édifice était grandiose, tout de marbre noir et blanc. Ursule admirait le chemin de croix qui se déroulait le long des travées jusqu’à l’autel.

 

          Le père O redoutait d’y croiser l’évêque Mirand, ami et premier conseiller du mari d’Amélie qui serait bien le dernier à apprécier l’état dans lequel celle-ci se présentait devant Dieu. Il s’attarda en prières devant l’autel.

 

        Passant toutes deux devant le confessionnal, les deux femmes furent prises d’un rire nerveux, de ceux qui s’invitent sans crier gare dans les endroits les plus inadéquats.

- Nous aurions bien des choses à confesser aujourd’hui Ursule, dit-elle en écartant le rideau pour regarder l’intérieur du meuble.

Ursule profita de ce geste pour l’y pousser et se serrer auprès d’elle dans le petit habitacle dont elle tira le rideau.

- Que fais-tu Ursule, bredouilla Amélie confuse.

- Je veux juste te remercier pour cette belle après-midi…

- Quelle étrange façon de me remercier, sourit-elle.

 

            Ursule posa un doigt sur la bouche d’Amélie, lui suggérant de se taire. Elle se serra contre elle, leurs poitrines se touchant. Amélie encore grisée ne savait plus comment réagir et le sut encore moins quand Ursule vint poser ses lèvres sur les siennes. Elles s’embrassèrent ainsi pendant de longues minutes, ne prenant plus garde à tout ce qui pouvait se passer autour d’elles. Amélie n’était pas accoutumée à ce genre de libertinages mais elle se laissa aller, sans réfléchir, accompagnant sa main .

 

              Soudain, on tira le rideau. Le père O arriva en courant mais trop tard: l’évêque Mirand venait de surprendre les deux femmes et les condamnait du regard. Amélie surprise et humiliée devant cet homme qu’elle connaissait si bien, repoussa brusquement Ursule et s’écria:

- Cette femme m’a agressée, votre Excellence!!

- Agressée? C’est bien ce qui me semblait! Que les gardes se saisissent d’elle! Quel est votre nom Madame?

Elle ne répondit pas.

- La connaissez-vous? Dit-il en interrogeant O.

Il ne répondit pas. Les gardes de la cathédrale lièrent les mains de la pauvre Ursule et l’entrainèrent au dehors.

- La prison vous fera passer vos digressions pécheresses!! Madame de Hernebourd, rentrez chez vous, votre époux doit s’inquiéter. Quant à vous, père O, je vous conseille de faire pénitence de votre profonde inefficacité que ce soit pour Madame ou pour notre Divin Seigneur.

 O fut cruellement touché par cette remarque, il détestait ce personnage froid et cruel.

 

          Amélie paniquait intérieurement de sa traîtrise et de son manque de courage. Elle agrippa O par la manche.

- Il faut que vous la sortiez de là, O!

- Je ferai ce qu’il me sera possible de faire, chère Amélie. La prochaine fois, vous serez mieux inspirée en suivant mes conseils.

 Amélie pleurait.

 

 

Trax Oberdorn

 

 

 


 
 
le 15-12-2008 17:01

Chapitre 11 - Sans pitié

 

 

 

 

      

     

 

       La cellule où les gardes déposèrent Ursule était sombre et déjà occupée par deux filles de joie particulièrement vulgaires.

- T’as fait quoi toi?? Tu l’as mordu et il t’a jetée aux gradés??!

 

Elles rirent comme deux idiotes. Ursule alla s’asseoir près de la fenêtre dont les barreaux lui rappelèrent de mauvais moments de son passé agité. Elle n’eut pas le temps de s’isoler dans ses pensées que déjà un garde vint la chercher.

 

- Son Excellence a quelques questions à vous poser. Dit-il.

 

       Elle le suivit, méfiante: l’évêque ne lui inspirait rien de bon, et elle aurait préféré qu’il l’oublie. Ils descendirent plusieurs escaliers et , quand le garde ouvrit la porte, Ursule frémit d’angoisse en voyant l’évêque au milieu d’une pièce tapissée d’engins qui feraient avouer n’importe quoi à n’importe qui rien qu’en les apercevant. 

 

       Nous allons procéder à votre sentence, mon enfant, une vingtaine de coups de fouet devraient vous faire rentrer dans le droit chemin, celui de la foi en notre Seigneur.

Ursule se crispa: endurer le fouet pour un baiser, voilà qui était cher payé.

- Otez-lui sa chemise et liez lui les bras.

 

Les gardes s’exécutèrent, découvrant ses épaules à la peau délicate et faisant tomber la chemise au sol, la positionnant dos au bourreau pour le supplice.

- Procédez! Lança l’évêque.

 

          Le bourreau prit son fouet et le fit claquer sur le dos fragile d’Ursule, laissant une trace rouge vif, puis recommença encore et encore. Ursule retint ses cris au début, orgueilleuse comme à son habitude, mais la douleur devenant vive elle laissa échapper des cris incontrôlables. Mais jusqu’au bout, elle se força à tenir debout, cet homme ne la mettrait pas à genoux. L’évêque enrageait et , trouvant que le bourreau mollissait, lui arracha le fouet des mains et assena sur le corps d’Ursule les deux derniers coups. La lanière cingla si fort qu’elle ouvrit de larges blessures ensanglantées.

 

         Il s’approcha alors, aussi serein que s’il avait rendu service à quelqu’un et contempla les plaies sur le corps de la jeune femme. Elle le regardait dans les yeux, cherchant à comprendre pourquoi un homme si pieux pouvait être si dur. Il passa son doigt sur la dernière marque qu’il lui avait infligée: la lanière s’était calée sous le sein d’Ursule et l’avait coupée au sang. Elle serra les dents mais ne parvint pas à retenir un gémissement qui réjouit le prêtre.

- Vous aurez tout le loisir de poursuivre votre réflexion dans nos cachots, mon enfant. Ramenez-la! Dit-il en essuyant son doigt dans un mouchoir brodé.

 

 

Trax Oberdorn

 

 


Commentaires

 

1. willy  le 15-12-2008 à 17:03:04  (site)

Hebergeur d'images
BON LUNDI WILLY ET BEBE ILAN

 
 
 
le 26-12-2008 16:35

chapitre 12 - La clé

 

        Une longue semaine se passa, Ursule endurait chaque jour avec plus de peine que le précédent. Ses plaies commençaient à la faire moins souffrir, mais l’humiliation d’être là enfermée la détruisait à petit feu. Ce jour-là, elle reçut la visite inopinée du père O qui lui assura qu’Amélie et lui faisaient leur possible pour la faire sortir mais qu’ils n’y parviendraient pas par la grande porte. Elle lui demanda d’exposer les faits à Ferdinand Milos, qu’il connaissait sans lui avoir jamais parlé. Ce qu’il fit le jour même.

 

       Le soir, Ferdinand s’entretint avec Hubert, Lucas et Méry Drac, un des autres conspirateurs présents à la Malfiance. Tous s’accordèrent pour dire qu’il fallait prestement la sortir de là, certains pour la réussite de leur plan, d’autres pour des raisons plus héroïques.

 

- Des souterrains existent entre cette prison et l’ancien Manoir du Brûle, il suffira de trouver un moyen de maîtriser cette vieille harpie qui l’habite pendant quelques heures. Ferdinand vous vous en chargerez.

 

      Milos n’était pas particulièrement ravi de cette tâche, comprenant aisément comment Hubert souhaitait qu’il l’occupa.

 

- Vous contacterez également ce prêtre: qu’il se débrouille pour nous fournir les clés de la geôle de Madame du Paon. Lucas et Méry vous m’accompagnerez. Nous agirons demain à minuit si nous obtenons les clés.

 

        Ferdinand repartit pour l’auberge, laissant un message pour le Père O à Inès. Elle s’empressa d’aller le lui mener.

Lucas allait et venait dans son bureau. La révélation sur le sort d’Ursule l’emplissait de culpabilité. Il avait interprété son absence comme un sursaut de vexation de sa protégée et avait décidé de la laisser se calmer seule. Ses sentiments étaient confus, il parvenait difficilement à se passer d’elle. Certes il ne l’aimait pas comme un amant l’aurait fait, mais une dépendance s’était rapidement ancrée même dans son esprit. Il refusait de s’attacher, soufflant le chaud et le froid en fonction des réactions d’Ursule. Bien malgré lui, il appréciait cette relation secrète et laissait parfois son cœur s’égarer.

 

          Le Père O investi de sa mission, rendit visite à Ursule, essayant de la rassurer sur son sort. Il appela le garde pour sortir de la cellule et prétexta une prière impromptue pour que celui-ci le laisse dans le couloir sombre. Quelques minutes plus tard, comme il l’avait espéré, passant devant le poste, il constata que le garde était parti discuter avec son collègue et avait laissé la clé sur le dessus de la pile, dans une boîte en bois. Il la saisit et la glissa dans la manche de sa soutane.

 

- Les rires, l’alcool, le vol, pensa O, je me demande si finalement son Excellence n’est pas dans le vrai.

 

         Si Ursule ne recevait pas d’autre visite d’ici l’intervention de ses « amis », son larcin passerait inaperçu. Il se pressa de retourner à l’auberge et de confier la clé à Ferdinand.

-Vous prendrez soin de remettre les clés dans cette boîte, que je ne sois pas inquiété je vous prie..

- N’ayez crainte.

 

Trax Oberdorn

 

 


 
 
le 08-01-2009 15:43

Chapitre 13 - Les souterrains

         

 

      En début de soirée, les quatre hommes se retrouvèrent dans les fourrés fâce au manoir du Brûle.

 

- Ferdinand, à vous de jouer, sourit Hubert, voilà un défi à votre hauteur: charmer la vieille Solange de La Coulombière. Faites de votre mieux pour l'éloigner de son salon pendant une heure dès que la nuit sera tombée. Le souterrain s'ouvre par une trappe juste devant la bibliothèque.

-Comment êtes-vous au courant de ce passage?

-J'ai eu autrefois quelques accointances avec sa plus jeune fille qui pensait m'attirer avec ce genre de confidence..

 

          Ferdinand réfléchit quelques minutes, mais ayant bien des difficultés à imaginer quelque plan que ce soit avec la vieille de La Coulombière, il décida d'y aller à l'instinct, se leva, rajusta sa tenue et se dirigea vers la porte d'entrée en grimaçant. es trois autres ne purent s'empécher de sourire en le voyant ainsi déambuler.

          Il sonna et se présenta de la plus courtoise des façons, il fallait bien ça avec Solange. Il réussit à se faire inviter assez rapidement. Méry conclut qu'il était décidément très fort à ce jeu.

 

- Méry, allez vous poster près de la fenêtre et prévenez-nous quand la voie est libre.

 

         Méry s'éxécuta tout en précisant qu'aussi efficace qu'il soit, Ferdinand avait quand même besoin d'une ou deux heures pour emballer un tel morceau. Solange de la Coulombière était veuve depuis une vingtaine d'années, et personne n'avait jamais plaint son mari d'être mort tant ela avait dû être une libération pour lui. Elle devait avoir près de 70 ans, mais son cratère acariatre avait préservé tout son tonus.

Méry les observa, occupés à discuter au coin du feu, non loin de la fameuse bibliothèque. Ferdinand s'était présenté à elle comme le fils d'un des meilleurs amis de son défunt mari, et elle se complaisait à lui raconter ses souvenirs. Méry pensa qu'il préférait pour l'instant sa placeà celle de Ferdinand: faire la cour à cette vieille femme peu aguichante lui aurait déplu.

          La nuit était tombée depuis une demie-heure quand Méry constata que Ferdinand et Solange n'étaient plus dans le salon et que la lumière d'une chambre à l'étage s'était allumée. Il n'en revenait pas et alla prévenir ses complices.

 

         A pas feutrés, ils pénétrèrent dans la maison, soulevèrent la trappe et se glissèrent dans le souterrain par une échelle verticale en mauvais état. Les pluies des derniers jours avaient rendu l'endroit incroyablement humide et suintant. Hubert et Lucas se mirent en route sans y faire attention, alors que Méry tentait d'éviter les profondes flaques de boue qui ponctuaient le boyau. La flamme de la torche qu'avait allumée Hubert ajoutait une odeur âcre de pétrole brulé aux éffluves nauséabondes des eaux usées qui s'infiltraient lorsqu'ils passaient sous une rue.

 

 Ils parcoururent ainsi deux à trois cent mètres et arrivèrent à un tournant où le souterrain était complétement inondé. Hubert jura à voix basse, et se rappelant les explications de la jeune file, il jugea que la traversée en apnée devait être possible. Lucas se porta volontaire, attachant une corde à son poignet, il s'immergea, non sans un frisson, dans les eaux noirâtres. Suivant les parois du tunnel de ses mains, il déboucha hors d'haleine dans une petite pièce au bout d'un long couloir faiblement éclairé. Il reprit son souffle le plus silencieusement possible se doutant qu'il était dans les murs de la prison et tira sur la corde. Les deux autres arrivèrent rapidement, Hubert le premier, toujours aussi sûr de lui, et Méry épouvanté par cette traversée angoissante sous l'eau. Constatant son manque de sang-froid, Hubert craignait de regretter sa présence.

 

           Lucas partit en avance reconnaître les lieux et, parvenu au bout du couloir, il s'aperçut que de la lumière venait d'une torche accrochée juste au-dessus du poste du garde dont O avait parlé. Le dit garde était occupé à vider une écuelle de haricots fumants.

Discret comme l'ombre, Lucas se glissa derrière lui une cordelette noire dans les mains. Il l'étrangla rapidement et sans lutte. Quand Méry et Hubert arrivèrent, il gisait au sol.

 

- Mort? questionna Méry

- Il a manqué d'air quelques secondes, il devrait s'en remettre, le rassura Lucas.

 

        Ils se hatèrent vers la cage d'Ursule, l'ouvrirent en silence alors qu'elle dormait. Elle se réveilla en sursaut, craignant une nouvelle persécution. Lucas derrière elle lui ceintura la taille et lui glissa à l'oreille un 'Aie confiance' qui la sécurisa à la seconde. Elle reconnut Hubert et dévisagea Méry qui semblait décomposé par la peur.

 

              Ils retournèrent au tunnel. Lucas se jeta à l'eau avec Ursule, il colla son visage contre le sien et lui murmura 'respire, je t'emmène'. Elle ferma les yeux, inspirant le plus qu'elle put et se laissa entrainer. Cet homme, elle l'aurait suivi même en Enfer.

Ils ressortirent à l'autre extrémité, Ursule presque morte d'asphyxie et Lucas épuisé par l'effort qu'il venait de fournir. Le souterrain était aussi obscure que le plus profond des abysses, la torche s'était éteinte, ce qui arrangeait bien Lucas. Il aurait été bien incapable de dissimuler son identité après une telle traversée. Tous deux assis contre le mur, il l'attira, la serrant contre lui. Hubert arriva à leur suite, mais Méry tarda..trop. Il avait pourtant tiré la corde, signe de son immersion. Hubert replongea, devinant le drâme.

Il revint et expliqua à Lucas que Méry était resté retenu par son habit à un crochet saillant du mur et n'avait pu se libérer. Il était mort.

 

- Ne nous attardons pas, Ferdinand nous attend.Ils rejoignirent le manoir et en sortirent prestement. Ferdinand  les rattappa dans les fourrés une demie-heure plus tard, après avoir épongé toute l'eau qu'ils avaient laissé dans le salon en sortant trempés du souterrain.

- Ta soirée avec la vieile Solange s'est bien passée?le nargua Hubert.

- A merveille, dit-il en riant, une forte dose de poudre à dormir l'a envoyée au septième ciel en quelques minutes! Où est Méry?

- Mort, répondit froidement Hubert.

 

Personne ne répliqua, choqué par le ton neutre avec lequel Hubert avait répondu. Ursule touchait nerveusement le lacet autour de son cou, chose que Lucas ne manqua pas de remarquer. Il demanda à Ferdinand de la raccompagner.

 

- Nous nous retrouverons à la Malfiance demain soir, ajouta Hubert avant de partir.

 

Trax Oberdorn

 

 

 

 


 
 
le 30-01-2009 14:45

chapitre 14 - A visage découvert

 

 

 

 

            Ursule n'avait pu trouver le sommeil une fois de plus cette nuit-là. Elle s'était tournée et retournée dans ses draps, remerciant ses libérateurs, cherchant sans relâche le visage de Lucas, sans jamais arriver à discerner autre chose que son regard envoutant derrière une mêche de cheveux. Alors qu'ils étaient dans le souterrain, seuls, il lui avait chuchotté à l'oreille une phrase qu'elle n'oublierait jamais: "Un jour j'enléverai délicatement ce bandeau qui recouvre tes yeux, et ce jour-là j'apprendrai tout". Que voulait-il donc découvrir qu'il ne sût déjà? Il bouleversait son esprit.

 

                  Le matin , Inès lui apporta un petit déjeuner copieux et lui prépara un bain savoureux, devinant sans qu'on ait eu besoin de lui expliquer que sa patronne, son amie, avait eu à surmonter des obstacles plus pénibles qu'imaginables. A en juger par les traces sur son dos, sa vie ne serait plus tout à fait la même.

 

Maîtrisant son désarroi, ele se revigora rapidement, enfila un pantalon cavalier et se prépara pour la route vers l'abbaye, n'ayant plus de doute quant à sa participation au fameux complot. Elle donnerait vraisemblablement son âme au diable s'il le fallait.

 

                Quelle ne fut pas sa surprise de voir arriver au loin un autre cavalier accompagnant Ferdinand. Ca ne pouvait être que Lucas, visage découvert. Elle paniqua, couvrant ses yeux de ses mains. Ils stoppèrent leurs montures devant elle, Lucas mettant pied à terre et écartant violemment les mains d'Ursule. Elle le regarda, noyée de larmes. Il avait l'allure d'un ange, la sérénité sombre d'un poète solitaire. Contrariée de son geste, elle se dégagea de son emprise et le gifla brutalement avant de partir en courant vers la remise à bois où ils s'étaient rencontrés la première nuit. Il la rejoint, posant sa main sur son épaule.

 

                 Elle soupira un 'Je suis désolée' timide, auquel il répondit en souriant "Je ne t'en veux pas" de sa jolie voix grave et posée. Elle se blottit dans ses bras, incapable de l'embrasser comme elle l'aurait fait auparavant, comme s'il s'agissait d'un autre homme avec qui elle retrouvait toute sa pudeur féminine. Il l'étreignit, conscient du choc qu'elle subissait. Elle caressa sa main, rien n'y faisait, elle l'aimait.

Ils montèrent à cheval et se mirent en chemin. Ferdinand partit au galop, suivi d'Ursule qui lança un regard défiant à Lucas. Ils se confrontèrent ainsi pendant une bonne partie du trajet, fidèles au souvenir de leurs joutes orales sous les étoiles.

 

              Hubert les accueillit, plus chaleureux que la veille, baisant la main d'Ursule pour la première fois et leur proposant un cognac autour de la table de réunion. Ursule observa la pièce avec attention: une longue table de ferme avec deux bancs, des tapisseries représentant des batailles épiques, une cheminée imposante surmontée de vieilles armoiries qu'elle ne connaissait guère.

 

Le maître des lieux disposa des verres de cristal habilement façonnés devant chacun des convives et y versa la liqueur ambrée.

- Cette abbaye dispose de caves voutées exceptionnelles; j’y ai retrouvé quelques tonneaux admirablement conservés du cognac que les moines échangeaient vraisemblablement contre leur production de fromages.

 

       Ursule en but une gorgée et ressentit la brulure de l’alcool au plus profond de sa gorge, le goût vanillé et boisé passant quasi inaperçu tant le breuvage était fort. Elle observa les hommes s’en délecter, avec force compliments, comme s’il s’agissait d’un simple jus de raisin. Cela faisait sans doute partie de leur fierté de mâles, arriver à avaler des alcools toujours plus forts. Ursule, elle, laissa son verre de côté. Elle espérait qu’on lui explique enfin ce qu’on attendait précisément d’elle. Elle aurait pu le demander à Ferdinand ou Lucas sur la route, mais elle se doutait que seul Hubert lui répondrait.

 

Deux autres hommes arrivèrent et se joignirent à eux, alors que Zerst distribuait quelques cigares. Lucas faisait partie du groupe mais il paraissait absent, absorbé par ses pensées vagabondes. Ferdinand fumait avec désinvolture, installé dans le seul fauteuil de la pièce, probablement celui d’Hubert.

Ce dernier s’éclaircit la voix et demanda à ses acolytes de s’installer autour de la table, Ferdinand lui rendit le fauteuil à regrets pour aller s’asseoir à côté d’Ursule sur le banc. Lucas fit de même. Hubert commença alors ses explications.

 

 

Trax Oberdorn

 

 

 

 


 
 
 

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