Le matin suivant, Ferdinand partit très tot, après s’être apprété du mieux qu’il pouvait vus les événements de la veille, sa blessure et la nuit blanche passée à discuter de choses et d’autres avec Inès.
L’après-midi fut ensoleillée, il avait donné rendez-vous à son acolythe face au moulin dans une taverne banale, bien loin du standing de l’auberge d’Ursule. Attablés devant leurs verres, ils discutaient à voix basse. Acolythe n’était certainement pas le terme adéquat à leur relation: l’homme en face de Ferdinand, Hubert de Zerst, était plus âgé de quelques années, d’un physique avantageux: grand et élégant, il souriait peu et son regard vert donnait le vertige. Il semblait calme et relativement froid de prime abord. Ferdinand préparait son entrée en matière soigneusement, il savait que l’intelligence agressive d’Hubert ne laisserait pas de place à l’improvisation et à l’ « à peu près ». Ils s’appréciaient mais comme deux hommes d’influence, une hiérarchie implicite s’était établie.
- Je voudrai vous présenter celle qui me semble idéale à la concrétisation de notre projet, Hubert.
- Celle? Vous moquez vous de moi? Une femme? Ferdinand, vous me décevez, croyez-vous que nous puissions nous permettre une telle gageure? Grommela-t-il.
- Ne parlez donc pas avant de la connaître: elle possède un sang froid absolument remarquable, tout à fait capable, j’en suis témoin, de mener à bien la mission que nous allons lui confier. De plus, je puis vous assurer sa coopération au regard de ce que je sais d’elle.
- Et que savez-vous d’elle?
- Deux meurtres à son actif, nets et efficaces.
Vidant son verre, Hubert réfléchit quelques instants et, fixant Ferdinand dans les yeux:
- Bien, nous verrons, vous l’aménerez Vendredi à l’abbaye, au coucher du soleil. Vous veillerez à la discrétion du rendez-vous.
- A Vendredi alors…
Trax Oberdorn
Ce jour-là, à l’auberge, tout le monde s’affairait: les commandes de victuailles pour le dimanche arrivaient, c’était la fin de l’hiver, les clients seraient nombreux à venir déjeuner après la messe. Inès s’occupait de mettre en ordre les chambres, tandis qu’Ursule revoyait le menu avec la cuisinière. Tout était calme et serein. Cela faisait une semaine que tous les soirs, alors que la nuit noire était tombée, Ursule et l’Inconnu conversaient dans le jardin. Elle ne connaissait toujours rien de lui, ni son nom, ni son visage, mais elle raffolait de ses mots, de sa manière de mettre en doute tout ce qu’elle imaginait comme évident jusqu’alors. Il démontait avec une précision magistrale chacune de ces certitudes sur la vie, la mort, l’amour, l’amitié. De jour en jour plus déstabilisée, ses sentiments à son égard allaient croissants.
- Je ne veux pas que tu m’aimes, ne t’attache pas Ursule, il n’en viendra que de la souffrance, et ce n’est pas ce que je souhaite lui avoua-t-il.
Déçue de cette révélation, elle prit ses distances, du moins c’est-ce qu’elle laissa paraître car son instinct était bien plus fort que sa volonté.
- Pourquoi reviens-tu toujours alors?
- je veux que tu te découvres, que tu t'explores .
- Quel intérêt pour toi?
- J’apprends, je me nourris de chacune de tes réactions, je t’aide. Un jour , j’enlèverai délicatement ce bandeau de tes yeux…
Ursule se tût, circonspecte, se demandant comment interpréter ces explications plus qu’énigmatiques.
- Tu sais que je ne veux pas être aidée, je veux être aimée…
Ce soir-là, alors qu’il était debout derrière elle comme toujours, elle avait réussi à saisir sa main, l’attirant vers elle. Il s’y était soumis quelques instants, puis s’était éclipsé, lui adressant un au revoir neutre, à demain…
Ursule s’était couchée en sachant qu’elle ne trouverait pas le sommeil.
Le lendemain dans l’après-midi, Ferdinand vint trouver celle qu’il devrait convaincre de devenir leur complice. Il demanda à Inès un verre d’absinthe et observa Ursule qui rangeait de la vaisselle dans le grand buffet en chêne de la salle. Elle était nerveuse, entrechoquant les assiettes les unes contre les autres.
On frappa à la porte: deux hommes en uniforme entrèrent. Ursule les reçut froidement, sachant pertinemment ce qu’ils cherchaient:
- Nous enquêtons sur le meurtre du Bourgmestre. Il a été retrouvé exsangue dans la ferme voisine, nous voudrions savoir ce que vous faisiez dans la nuit de samedi à dimanche.
- Nous avons travaillé tard ici. répondit Ursule.
- Des témoins ? Sourcilla le plus grand des deux.
Ursule était en difficulté, elle sentait les soupçons se porter sur ses épaules et n’avait pas prévu une telle visite. Elle bafouillait…
Ferdinand s’approcha alors:
- Monsieur Milos, bonjour.
-Bonjour Messieurs. Excusez-moi de vous interrompre, j’ai par inadvertance entendu votre conversation et sachant que je suis à l’origine du trouble de Madame du Paon, je ne puis me contenir plus longtemps.
Ursule frémit d’angoisse à l’idée qu’il puisse révéler ce qu’il avait vu ce soir là. Elle écarquilla les yeux, fixant Ferdinand, prête à nier avec véhémence.
- La bienséance fait que Madame du Paon ne vous ai pas répondu de suite: j’avoue lui avoir fait la cour ce soir-là et être parvenu à mes fins: nous avons passé la nuit ensemble.
Le policier les regarda, toisa Ferdinand Milos.
- Egal à votre réputation Monsieur Milos… Etes-vous bien sûr qu’il s’agissait de la nuit de samedi à dimanche?
- Comment pourrai-je me méprendre Monsieur? Lui lança-t il, un sourire radieux aux lèvres.
Ursule assistait à la scène sans mot dire, à la fois surprise et rassurée par ce mensonge culotté. Les deux policiers prirent congé.
- Vous m’avez sortie d’une mauvaise passe, je vous en remercie.
- Ce n’était rien de désagréable pour moi Madame.
Elle rougit, se disant que cet homme était probablement le plus efficace coureur de jupons qu’elle connaissait.
- Mais vous vous doutez que ce n’est pas gratuit.
Elle fronça les sourcils, se rappelant leur conversation.
- Soyez clair Monsieur Milos.
- Tout vous sera expliqué demain soir en un lieu que nous tenons secret. Vous vous préparerez une monture pour demain en fin d’après-midi, je viendrai vous chercher.
- Qu’est-ce-qui m’y oblige?
- Ce que je sais de vous Madame…
Ses lèvres se froissèrent, elle n’aimait pas être prise au piège.
- C’est entendu.
Trax Oberdorn
Ursule passa une soirée calamiteuse, les clients l’agaçaient, son commis semblait prendre plaisir à tout faire de travers et Inès tentait de maintenir un service de qualité seule en salle la plupart du temps. Le restaurant fermé, Ursule sortit, espérant retrouver son inconnu.
Il arriva délicatement et la surprit en lui passant un bandeau noir sur les yeux. Il l’entraîna vers le banc, et s’assit, elle s’agenouilla à ses côtés, se disant que d’un geste elle pourrait ôter l’étoffe et enfin le voir, mais elle n’en fit rien. Elle aimait cette relation ambigüe, ils restèrent de longues minutes silencieux comme si ce changement d’habitudes les décontenançaient. Leur silence valait pourtant toutes les paroles imaginables.
Assis côte à côte, ils écoutèrent la nuit tranquillement, laissant le temps apaiser leurs pensées. La lune promenait son disque crémeux dans le ciel. Ursule l'imaginait, fascinée par l'ambiance dont il emplissait l'espace autour d'elle à chacun de ses mots.
Il s'insinuait habillement dans son esprit, l'amenant tranquillement à se dévoiler, à lui confier ses plus intimes secrets. Alors qu'elle résistait sur certains détails, il n'avait jamais vraiment besoin de contourner son appréhension, il lui suffisait d'insister sans détour et elle se laissait faire. Elle se sentait comme une petite marionnette que l'on aurait fait danser sur une table. Entre ses mains.
Ursule approcha sa main de son visage et à tâtons, elle en découvrit la forme fine et racée. Elle releva la mèche de cheveux qui lui couvrait le regard, elle parvenait presque à le deviner.
Elle s’approcha et sans qu’il l’esquive, elle déposa un baiser sur ses lèvres. Son instinct prenait le pas sur sa raison.
- Ne fais pas ça Ursule, ne le fais pas…
- Embrasse-moi.
- C’est une erreur.
- Ne pense plus, je t’en prie…
- Tu vas tout gâcher.
- Un baiser ne peut rien gâcher…
- Tu es insupportable..
- Je sais… embrasse-moi…
Elle fit tomber les bretelles de sa robe et lui prit la main. Il fronça les sourcils un court instant..puis il céda.
Après son départ, elle resta longtemps assise sur ce banc, à contempler les cieux, heureuse mais appréhendant l’avenir de leur relation. Elle passa la nuit à tripoter nerveusement le lacet autour de son cou, elle l’aimait éperdument, mais savait que lui ne l’aimait pas…Il prenait simplement plaisir à la voir se débattre avec ses émotions. Elle pensa à lui toute la nuit.
Trax Oberdorn
Ferdinand se sentait d’humeur radieuse aujourd’hui, il se prépara, se regardant longuement dans la glace, satisfait de son allure. Il serait volontiers parti en rendez-vous galant, mais il savait que cette fois, ce serait plus complexe. Il enfila son manteau et demanda au palefrenier d’amener sa monture: une belle jument fringuante visiblement ravie de le voir.
Il passa par la cuisine pour réclamer un pain et une bouteille de genièvre à sa bonne: il savait que la route serait longue.
De son côté, Ursule peinait à se préparer, ne sachant à quoi s’attendre. Elle enfila une longue jupe-culotte de cavalière et brossa son manteau noir. Inès fit seller son cheval, un fier étalon qu’Ursule avait capricieusement acheté, si vif qu’elle ne prenait guère plaisir à le monter. Elle regrettait son choix mais se dit en souriant que son orgueil ne lui aurait pas permis de chevaucher un vieux canasson arthritique.
Elle était à la fenêtre quand elle vit arriver Ferdinand au petit trot au bout de l’allée. Elle descendit et s’empressa d’enfourcher son destrier pour le rejoindre. Ils se mirent en route après s’être salués, Ferdinand imposant un galop soutenu à la jeune femme.
Ils s’arrêtèrent une heure plus tard, le long d’un cours d’eau, non loin d’une forêt.
- Mais où m’emmenez-vous donc? demanda-t-elle essoufflée.
- Je ne puis vous le révéler, je vais même devoir vous bander les yeux.
Ursule se dit que décidément, elle subissait cela de plus en plus souvent ces temps-ci…
- Vous savez, cela fait bien longtemps que j’ai perdu mes repères, je serai bien incapable de refaire la route, je ne pense pas que ce soit nécessaire.
- Je suis désolé, j’ai des consignes;
Alors qu’elle enfilait ses gants de cuir, il lui passa le bandeau aux yeux et l’aida à remonter à cheval, saisissant ses rennes pour l’amener au point de rendez-vous à petite allure. Le soleil commençait à rougeoyer à l’horizon et le vent se faisait plus frais, la nuit ne tarderai plus à venir.
Ils contournèrent la forêt et approchèrent d’une immense bâtisse visiblement à l’abandon. Il s’agissait d’une ancienne abbaye délaissée suite à des rumeurs de rites franc-maçons il y avait de cela une cinquantaine d’années. Les habitants de la région l’évitaient comme la peste et l’avait surnommée la Malfiance.
Hubert de Zerst y tenait ses réunions secrètes, à l’abri des regards. Ursule reconnut le bruit de plusieurs chevaux qui se reposaient d’une longue route… Ferdinand la fit descendre de cheval, l’amena dans le hall et la débarrassa de son manteau avant de la faire pénétrer dans la salle de réunion. Les yeux toujours bandés, elle se sentit dévisagée par plusieurs hommes, dont deux se mirent à chuchoter subitement.
Ferdinand rejoignit sa place parmi eux et la présenta. Hubert lui exposa alors le motif de sa présence, sans entrer dans les détails.
- Vous aurez en charge, Madame, l’assassinat d’un haut personnage ecclésiastique, en toute discrétion et efficacité, en serez-vous capable?
- Capable, certes, mais pourquoi le ferai-je?
- C’est cela ou la potence vus vos agissements Madame!
Voilà donc le prix dont avait parlé Ferdinand Milos, un échange de bons procédés.
- Je…
- Votre avis nous importe peu, vous n’avez de toute façon guère le choix. Procédons au vote chers amis: confions-nous à cette femme la réalisation de notre plan?
Chaque participant articula un « pour » franc, sauf le dernier qui hésita avant de parler. Ursule tréssaillit, elle reconnut cette voix, elle l’aurait reconnu entre mille. Il était là, au milieu de ce traquenard: elle se sentit flouée, manipulée, il s’était donc moquée d’elle, tout ça pour en arriver là.
Sa rage monta instantanément et en une seconde elle arracha le bandeau qui l’aveuglait. L’inconnu tourna vivement les talons mais trop tard, elle avait reconnu celui qui la dominait depuis tant de soirées. Ses yeux s’embuèrent de larmes en contemplant son dos, elle jeta le tissu noir au sol et s’enfuit.
Sa colère l’emportait sur tout autre sentiment, et , parvenue dans la cour sous une pluie battante, elle enfourcha son cheval et partit au grand galop.
Dans la salle de réunion, Hubert de Zerst, à peine étonné, fit un signe de la tête à cet associé si improbable.
- Lucas, hatez-vous, ramenez-la!
Il suivit le même chemin qu’elle et récupéra sa monture. Il vit Ursule traverser la clairière vers la forêt face à l’abbaye. Il fouetta sa jument et partit à sa poursuite.
Ursule n’avait aucune idée de la direction à prendre. Elle hésita avant de pénétrer dans la forêt mais entendant le bruit du cheval à ses trousses, elle s’y engouffra. Son étalon y paniquait peu habitué aux ambiances sombres et étouffantes des bois.
Après quelques minutes de galop au milieu des arbres, il se cabra face à un tronc d’arbre abattu et désarçonna sa cavalière qui dans sa chute heurta une pierre et tomba inconsciente. Guidé par les hennissements du cheval, Lucas la retrouva très rapidement. Il la prit dans ses bras, inquiet, et la chargea sur son cheval comme une biche morte. Il la ramena à la Malfiance.
Trax Oberdorn
Hubert et Ferdinand attendaient les bras croisés dans le hall.
- Votre idée commence fort bien Milos… dit-il d’un air narquois.
- Ce n’était pas prévisible, ils se connaissent apparemment, j’essaierai d’en savoir plus.
Lucas traversa la pièce, Ursule dans ses bras, toujours inconsciente et adressa un regard interrogatif à Hubert.
- J’ai une chambre au premier étage, tu n’as qu’à l’y installer.
Ils montèrent l’escalier de bois craquelant, et derrière une porte cloutée, Lucas découvrit le repaire nocturne d’Hubert. Solitaire et comploteur depuis toujours, il aimait se retrouver ici loin du monde et de ses obligations. La pièce et ses meubles étaient sobres, probablement récupérés dans les autres pièces de l’abbaye, mais le linge de lit, les tapis et rideaux luxueux donnaient une touche paysanne chic très agréable. Hubert alluma le feu dans la cheminée pendant que Lucas otait les habits trempés d’Ursule. Il la couvrit du drap. Ferdinand tendit la bouteille de genièvre à Hubert.
- Essayez donc de la réveiller avec cela, c’est assez fort.
Lucas, pourrai-je te parler?
Ils sortirent. Hubert n’aimait guère ce genre de corvées: prendre soin de quelqu’un d’autre que lui était une perte de temps. Il se servit un verre de genièvre, le but d’une traite et vint s’asseoir sur le bord du lit. Il donna d’abord quelques tapes sur la joue d’Ursule, puis lui releva la tête et sans grande délicatesse, lui envoya une grande rasade d’alcool dans la gorge. Le résultat fut immédiat: manquant de s’étouffer, Ursule ouvrit les yeux, toussant et inspirant comme une noyée. Il rit de bon cœur, satisfait de son effet et rassuré aussi. Il but à nouveau une gorgée au goulot de la bouteille et lui en redonna. L’alcool et la chaleur du feu lui redonnèrent des couleurs.
- Qui est cet homme? Demanda-t-elle
- Lucas? Un idéaliste comme le sont les artistes, il écrit des pamphlets dans le journal de Milos. Je ne l’aime guère mais je le respecte, c’est un calculateur brillant.
Ce flot d’informations ne plut guère à Ursule, elle regrettait d’avoir posé la question, elle se retourna et enfouit son visage dans l’oreiller. Hubert caressa des yeux son dos découvert. Encouragé par l’alcool, il posa la main et promena ses doigts le long de sa colonne vertébrale, s’arrêtant à hauteur de ses reins. Il s’attendait à ce qu’elle proteste, mais elle n’en fit rien, réagissant juste par un frisson.
A ce moment, Lucas pénétra dans la pièce. Hubert se leva, les deux hommes face à face se défièrent du regard. Aucun des deux n’aurait baissé les yeux si un crépitement du feu n’avait pas brisé le silence. Ils avaient tous deux l’âge des rivalités de pouvoir si caractéristiques des hommes fiers et orgueilleux, l’âge des combats de coqs. Hubert sortit, laissant à Lucas l’occasion de discuter avec Ursule.
- Encore vexée? Lui demanda-t-il en s’asseyant à côté d’elle.
Elle ne répondit pas.
- Tu as l’occasion de me voir si tu le désires, mais je sais que tu ne le feras pas. Ajouta-t-il
- En effet, je ne suis rien pour toi, juste l’objet d’une machination.
- Détrompe-toi, ne te fie pas aux apparences, je ne joue pas. Aie confiance, Ursule, aie confiance…
Elle se redressa et se mit à genoux sur le lit, dos à lui. Il posa ses mains sur ses hanches, posant sa bouche sur sa nuque et l’attirant à lui. Il déboutonna sa chemise, enleva la ceinture de son pantalon. Ils firent l’amour ainsi, tendrement, sans se regarder, Ursule refusant obstinément de se retourner.
Pendant ce temps à l’auberge, Amélie et O dinaient ensembles, s’interrogeant sur les raisons de l’absence de leur amie, Inès n’ayant pas l’air d’en savoir davantage. C’est tard dans la nuit que Ferdinand la ramena chez elle, épuisée et se plaignant du mal de crâne que lui avait laissé sa chute. Trop perturbée par les évènements, elle réserva sa décision quant au complot pour plus tard.
Trax Oberdorn
Commentaires
1. jessyilan le 05-11-2008 à 09:14:51 (site)